Depuis 2020, l’agriculture régénérative (ou régénératrice) fait beaucoup parler d’elle et s’impose comme LA tendance en vogue. Au-delà des commodités alimentaires, ce mode de production alternatif séduit de plus en plus de secteurs, comme la mode ou les cosmétiques, tous deux forts consommateurs de matières premières agricoles.
Qu’apporte réellement cette agriculture dite « régénérative » ? Comment est-elle encadrée ? Quelle différence avec le modèle biologique ?
Qui l’utilise ? L’engouement est-il justifié ?
Origem vous propose ici quelques réponses et pistes de réflexion.
Les principes et bénéfices
Particulièrement adaptée aux les zones arides, érodées ou très appauvries, l’agriculture régénérative est un système alternatif à l’agriculture conventionnelle, inspiré des pratiques de la permaculture et l’agroforesterie.
Proposée de façon consensuelle par deux institutions américaines[1], la première définition est apparue en février 2017 :
“Regenerative Agriculture” describes farming and grazing practices that, among other benefits, reverse climate change by rebuilding soil organic matter and restoring degraded soil biodiversity – resulting in both carbon drawdown and improving the water cycle.
L’agriculture régénérative s’appuie donc sur une approche holistique considérant la culture ou l’élevage dans son ensemble (l’environnement, la ferme et sa communauté), avec pour objectif de :
- Régénérer les sols (dégradés) et accroitre leur fertilité en reconstituant leur matière organique et en restaurant leur biodiversité ;
- Réintroduire et favoriser la séquestration du CO2 dans les sols et la végétation ;
- Accroitre la résilience des écosystèmes (sols, air, eau, biodiversité) mais aussi des communautés agricoles face aux maladies, ravageurs et aléas climatiques
Concrètement, en termes de pratiques culturales, l’agriculture régénérative repose notamment sur l’élimination du labour et se traduit par exemple par la mise en place des cultures de couverture (maintien d’un couvert végétal) et intercalaires ; la rotation culturale ; l’utilisation de fertilisants naturels (application de compost et de fumiers) ; le pâturage ; l’intégration de brise-vent, haies vives, cultures en courbes de niveau ; etc.
Ainsi, le système régénératif se distingue par son objectif très spécifique de régénération des sols. Le modèle biologique, quant à lui, s’attache essentiellement à préserver et maintenir une qualité des sols, en s’appuyant surtout sur la restriction et la limitation des intrants.
L’encadrement et les certifications existantes
Cependant, contrairement à l’agriculture biologique, le système de certification du modèle régénératif n’en est qu’à ses prémices. Aujourd’hui, deux programme majeurs disposant de leurs propres spécificités cohabitent.
Portée par l’association américaine Regenerative Organic Alliance, le standard de la certification Regenerative Organic Certified™ (ROC™) requiert des pratiques ambitieuses en matière de santé des sols (avec des analyses régulières des sols), de bien-être animal et d’équité sociale. La conformité au modèle de production biologique américain (USDA) constitue notamment un prérequis.
Une expérimentation pilote menée en 2019 sur une vingtaine de fermes aux Etats-Unis et en Amérique Centrale a conduit à la révision et la publication du standard en juin 2020.
Exemple de partenaires de l’expérimentation pilote : Patagonia, Dr. Bronner’s.
Pour en savoir plus sur la certification : https://regenorganic.org/
Si la certification ROC s’applique à toutes les productions agricoles (qu’elles soient destinées au secteur alimentaire, textile ou cosmétique), la seconde certification concerne essentiellement les systèmes d’élevage (produits carnés ou laitiers, laine et cuir).
Développé par le Savory Institute, le programme Land To Market met en relation des marques et distributeurs avec des agriculteurs engagés dans des pratiques d’élevage régénératif. Leur conformité est vérifiée grâce à l’outil Ecological Outcome Verification (EOV), une méthodologie d’évaluation des sols et des paysages mesurant la biodiversité, la santé des sols et le fonctionnement des écosystèmes. Le programme se positionne comme complémentaire à d’autres certifications (encadrant des pratiques agricoles) en proposant le suivi d’indicateurs écologiques dans le temps.
Exemple de partenaires du programme : Kering, Eileen Fisher, Timberland…
Pour en savoir plus sur le Savory Institute et son programme : https://savory.global/
Des expérimentations à déployer
Aujourd’hui, les principaux mécanismes de certification s’appuient sur des approches différentes, l’un portant essentiellement sur les pratiques, l’autre sur les résultats. Comment les initiatives vont-elles pouvoir converger ? Une harmonisation des pratiques de vérification est-elle envisageable ? Par ailleurs les agriculteurs pourront-ils valoriser à la juste valeur les efforts fournis pour atteindre ces ambitieux objectifs ?
Si l’on peut comprendre l’entrain suscité par ces standards en construction, gare à la précipitation. Transformer les filières à la source requiert de la patience.
Les expérimentations pilotes en cours nous permettront bientôt de dresser des bilans plus précis et de bénéficier d’un meilleur recul sur les avantages et les défis de cette nouvelle agriculture et des différentes certifications… Le tout, pour gagner en clarté et mieux dupliquer les initiatives !
[1] Regenerative Agriculture Initiative, California State University, Chico; et The Carbon Underground
Envie d’en savoir plus ? Par ici l’open-source !
https://magazineantidote.com/mode/agriculture-regenerative/
https://regenerationinternational.org/2017/05/05/quest-ce-que-lagriculture-regeneratrice/
https://www.willagri.com/2020/05/25/lagriculture-regenerative-est-rentable/